A propos de « territoires », le détour par le dictionnaire me conduit à m’arrêter sur deux définitions :
- « Etendue de pays qui ressortit à une autorité, à une juridiction quelconque (ex : le bien territoire d’un Etat est l’espace terrestre, maritime et aérien sur lesquels les organes de gouvernement peuvent exercer leur pouvoir) ».
- « Etendue de terre où vit un être humain ».
Arrêtons-nous plus particulièrement sur cette dernière.
En effet il s’agit, pour les MECS, d’accompagner l’enfant, l’adolescent, le jeune adulte en devenir dans le « vivre ensemble ».
La réforme de la protection de l’enfance de mars 2007, mais aussi la récente loi de 2016, affirme la nécessité pour les Maisons d’Enfants à Caractère Social de prendre en compte l’environnement social et familial de l’enfant. Lorsqu’il est avéré (décision du magistrat à partir des observations des travailleurs sociaux) que les relations et liens d’attachement antérieurs au placement contribuent positivement à l’évolution de l’enfant, les MECS doivent tout mettre en œuvre pour qu’ils soient préservés pendant la durée du placement.
Emilie POTIN1, sociologue, nous rappelle que « le placement d’un enfant en foyer ou en famille d’accueil est l’imposition d’un déplacement géographique (d’un lieu à l’autre) et d’un déplacement social (du milieu d’origine vers le milieu d’accueil) ».
Un des enjeux du projet pour l’enfant, dès le début et tout au long du placement sera d’accompagner l’enfant dans ses déplacements, de préserver des liens, d’en créer de nouveaux, de passer d’un territoire à l’autre, de vivre au sein de territoires.
En effet, les jeunes relevant de la protection de l’enfance, sont en risque plus élevé, d’exclusion, d’errance, de désaffiliation sociale, de rupture culturelle… Cet apprentissage du « vivre ensemble » est un élément-clef du projet, une partie essentielle de la dimension clinique.
Dans le quotidien, les Maisons d’Enfants sont des lieux privilégiés d’apprentissage à la vie quotidienne et sociale, d’éducation à la citoyenneté, favorisant la participation à la vie civique et culturelle, dans une société plurielle.
A cet effet, est essentiel l’implication de nos Maisons d’Enfants, à travers ses équipes dans l’environnement, leur rapprochement des territoires de vie de l’enfant et sa famille, les liens avec le tissu associatif, le partenariat avec les mouvements d’éducation populaire, l’ouverture sur la cité…
Ainsi, à l’Ensemble Bel Air, en référence avec la mission décrite dans le projet d’établissement « au service de l’autonomie et de l’insertion du jeune », il s’agit de soutenir la responsabilisation et l’ouverture vers l’Autre, vers le monde, à faire des apprentissages.
Pour cela, nos équipes s’appuient sur tous les dispositifs scolaires, d’apprentissages, de formations, privés ou publics, spécialisés ou non, afin d’éviter la concentration des jeunes dans un même établissement, en lien avec les services de décrocheurs, mais aussi des lieux de culture comme la Comédie de Saint-Etienne.
Nos jeunes, souvent dans la proximité de leur quartier d’origine, s’inscrivent dans la vie associative, culturelle, sportive. Le travail avec les services de prévention spécialisée devient précieux quand il s’agit de préparer le jeune à passer du temps en famille pendant des périodes de vacances, d’accompagner un retour en famille.
Mais aussi à l’occasion d’un « Vide grenier » pour contribuer au financement d’un projet.
Sur le quartier, c’est aussi l’ouverture de la MECS à l’occasion de temps forts de la vie sociétale, par exemple « la Fête des Voisins » pour le Foyer de l’Ensemble Bel Air.
Pour les MECS, investir le territoire, c’est respecter l’environnement familial et social des enfants et jeunes accueillis. C’est ce qui a donné du sens au déplacement et au développement de l’Accueil de Jour de Machizaud, sur les quartiers de Bellevue et de Terrenoire, en direction des territoires de vie des familles des enfants.
A cet effet, soulignons le chantier en cours pour la création du lieu d’accueil rue Berthelot, en partenariat avec la Ville de Saint-Etienne. Ouverture en septembre prochain.
Ce déplacement vers la ville est au cœur du Projet d’Etablissement de Machizaud. Machizaud qui accueillera, dans les mois qui viennent, ses ados dans la maison de la rue Chomier acquise par l’Association. Il s’agit là aussi de rapprocher de la cité, des transports en commun.
Toutefois Machizaud continue à investir son Parc qui reste un lieu privilégié pour les jeunes enfants, où, au-delà des jeux, l’investissement dans l’environnement se traduit par des fleurissements et jardins potagers.
Ainsi notre territoire est investi chaque année à un moment particulier, celui de la fête d’été. Les familles, les partenaires notamment ceux du quartier viennent nous rendre visite
En effet le quartier de Terrenoire, à travers ses écoles, ses associations sportives, culturelles, son Centre Social, son Collège, est très investi, par nos équipes pour le projet de chaque enfant.
Ce lien avec les associations locales, et les différents services, nous l’avons aussi investi à Riocreux, sur la commune de Saint Genest Malifaux. Certes, en utilisateur mais aussi en ouvrant notre lieu de restauration, toute l’année, aux enfants de l’Ecole Publique, en partenariat avec l’Association de Parents d’Elèves et la Municipalité ; expérience de rencontre d’enfants ordinaires dans une Maison d’Enfants à caractère Social.
Cette approche nous ouvre la voie à des réflexions et des projets en cours sur ce territoire avec les associations et partenaires locaux.
Ainsi, nos MECS restent des lieux d’hébergements, encore nécessaires, mais deviennent aussi vecteurs de développement d’offres diversifiées, d’accueils de jour, de placements externalisés, …
Avant tout, des espaces de rencontres du quotidien, des lieux de vie sur des territoires.
Jean-Louis BORDEL,
Directeur du Pôle Maisons d’Enfants
Emilie POTIN1, « Vivre un parcours de placement. Un champ des possibles pour l’enfant, les parents et la famille d’accueil », Sociétés et jeunesses en difficulté , URL : http://sejed.revues.org/6428